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It May All End Tomorrow (comme son titre l'indique)

15 janvier 2007

Notre (dernière) nuit ardente Partie 6

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 3 page 6 :

"The Psychedelic Furs : Heartbreak beat

Sacha chercha en vain dans les moindres recoins de la discothèque, des sorties de secours à la cabine du dj, sans trace du garçon blond. Il en vint à croire que ce n’était pas lui qui l’avait bousculé un peu plus tôt et qu’il avait fait tout ça, laisser Marie, passer une heure à parcourir la boite de nuit en long et en large, pour rien. Au fur et à mesure de ses recherches, il se fit servir de plus en plus d’alcool, pour se donner du courage, si bien qu’il était désormais saoul et incapable de continuer correctement ses recherches alors que les vibrations et les errements du sol jouaient des tours à ses pieds. Il trouva une banquette et s’y écroula. La prochaine chose dont il eût réellement conscience, c’était de discuter avec une jeune fille sur laquelle il était à moitié affalé. Sa prise de conscience se manifesta par un « euuuuh » interminable interrompant le discours qu’il était entrain de lui tenir. Il avait oublié ce qu’il voulait dire et ce qu’il avait déjà dit. Il se tut, donc, complètement relâché, un bras de la jeune fille autour de son cou, le sien posé sur sa cuisse dénudée. Le silence s’installa de longues minutes durant lesquels ils se contentaient de saisir des bribes de leurs souffles entre les morceaux que passaient le dj et sur lesquels, devant eux, se donnaient en spectacles des dizaines de jeunes gens de leur âge. La jeune fille trouva quelque chose à dire. Elle commença par respirer un grand coup, qui s’entendit même par-dessus la musique, fait incroyable, et lui demanda pourquoi il avait du sang sur lui. « Ce n’est pas du sang, répondit-il, plus amusé que surpris, c’est ma cravate, la couleur s’appelle ‘bourgogne’, si tu tiens vraiment à finir la soirée en ayant appris quelque chose. » Elle retira son bras du cou de Sacha, vexée, et soulevant brusquement ses genoux pour le faire partir, rétorqua qu’elle ne parlait pas de sa cravate, mais bien des petites tâches de sang sur le côté de la jambe droite de son pantalon. Il se leva d’un bond et se pencha pour vérifier : elle avait raison, son pantalon noir était parsemé de tâches rouges qui se confondaient légèrement avec la matière mais restaient assez nombreuses pour être visibles, même dans la pénombre de la boite de nuit. Il se réfugia d’un bond aux toilettes. A cette heure avancée de la soirée, ils étaient vides et sales des restes de leurs utilisateurs, flaques dans les coins, papiers, cigarettes et préservatifs par terre. Au robinet, il tenta d’enlever les tâches avec de l’eau et du savon. Il n’oserait plus sortir maintenant qu’il connaissait l’existence de ses tâches, il aurait trop peur de se faire remarquer par n’importe qui, ou pire, la police. C’était une de ces peurs non-fondée qui nous tétanisent à l’instant pour mieux nous faire rire plus tard, bien au chaud dans nos pantoufles, à la maison. Le plus il frottait, le plus les tâches disparaissaient derrières des bulles de savon pour mieux réapparaître au rinçage. Des gens circulaient derrière lui et il pensa que il était trop tard pour rester discret et qu’il valait mieux qu’ils voient un idiot en train de nettoyer son pantalon plutôt qu’un étranger avec des taches de sang sur ses vêtements. Il se pensait au-dessus de tout soupçon quand une voix retentit juste derrière lui :  « Je me suis fait frappé, et pourtant tu as l’air en plus mauvaise état que moi. Il n’y a pas de justice, hein ? ». C’était le garçon blond, droit et intact, arrivé de nulle part, à peine quelques contusions sur le nez, conséquence du contact de son visage avec le bitume lors de sa chute provoquée plus tôt, il y a des siècles de là. Un silence pesant s’installa, le garçon blond fixant Sacha, silencieux, un sourire étrange aux lèvres. Troublé, Sacha arrêta de frotter son pantalon et se regarda dans la miroir salie et nervuré des toilettes. Son visage avait empiré. Il était totalement boursouflé, des grosses poches s’étendaient de ses yeux à la moitié de son visage, ses cheveux étaient en désordre et ses lèvres séchaient de plus en plus en prenant une couleur violette. Derrière lui, le garçon blond souriait encore. Sacha lui demanda son nom d’une voix tremblante. Il s’appelait Patrick. « Patrick, je m’appelle Sacha et je suis vraiment désolé de t’avoir laissé là-bas sans appeler les secours». Le garçon nommé Patrick répondit : « Ce n’est rien. Je suis sûr que j’en aurais fait autant pour toi. Tu l’as rattrapée ?». Sacha fit mine de ne pas comprendre : « Qui ça ? ». « La fille à la moto. Je voulais juste savoir si tu l’avais vue sans son casque. Si tu avais vu son visage ». « Non », répondit Sacha. « Dommage. Je suis sûr qu’elle était mignonne. » Pris d’effroi, ne sachant plus différencier, le bas du haut, son propre reflet du garçon en face de lui, Sacha plongea son visage sous le robinet d’eau froide et avant qu’il ne puisse dire ou faire quoi ce soit d’autre, Patrick avait quitté les toilettes."

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15 janvier 2007

Notre (dernière) nuit ardente Partie 5

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 3 page 5 :

"New Order - Let's Go (nothing for me)

Le téléphone vibra dans sa poche. Déjà lancé sur la route, il leva très légèrement le pied le temps de l’extirper de son pantalon qui collait contre sa peau en sueur. Sur l’écran retro-éclairé le nom de Marie s’affichait en grand et illuminait l’intérieur sombre de sa voiture. C’était un message. « G suis ou on devais être. é ou tu devrais être. Oublions tout ca ». Il ne put déchiffrer ces hiéroglyphes à la première lecture. Etait-ce l’écriture ou la formulation ? Ce texte lui semblait prendre la forme d’un code secret qui illumina en lui les sentiments qu’avait effacé son sprint nocturne. Marie avait retrouvé leurs amis. En une fraction de seconde, il reprit conscience de leur vie à tous les deux avant l’accident. Tout bascula à nouveau, comme les événements n’avaient pas arrêté de basculer toute la journée. Plus tard, peut être pour se justifier, il analysa sa décision de faire demi-tour et de retrouver Marie, non pas comme un abandon, mais comme un bond en avant. Affronter les difficultés. Une prise en main de son destin, bien plus courageuse que de suivre la fille à la moto. Il fit demi-tour, en direction de la boite de nuit.

Sur la piste, il dansait, balançait son corps contre les autres convives, secouait sa tête, et ne pouvait se détacher de l’impression que tout le monde autour de lui le regardait et comprenait ce qui s’était passé dans la soirée. En fait, il essayait de savoir si les gens le regardaient vraiment avec insistance ou si c’était dans sa tête. La cravate rouge qu’il portait par dessus sa chemise en soie virevoltait au rythme des pas de danse et lui infligeait des petites claques sur le visage quand il s’agitait de trop.

Marie lui avait dit à son arrivée, descendu en trombe de la voiture qu’il avait forcé dans ses limites pour arriver jusqu’à la boite de nuit : « Tu as l’air horrible ! Si fatigué… Rentre chez toi, ce n’est pas grave », mais il n’avait pas voulu l’écouter. Elle l’avait empêché de suivre la fille à la moto, tout ça pour qu’il se trouve là, en sueur, serré contre d’autres gens en sueur, tentant de danser au plus près de la climatisation, alors il allait en profiter. Son visage brûlait d’une fièvre infectieuse qui s’étendait lentement au reste de son corps. La musique se fit syncopée. Les projecteurs clignotèrent par alternance. Les danseurs disparaissaient et réapparaissaient. Il ne reconnaissait plus le disque. Marie fut en face de lui. Elle lui prit les deux mains. Elle dansa avec lui. Se colla contre lui. Se sépara de lui. Se colla contre lui.

Quelqu’un, un autre danseur, se cogna violemment contre son dos. Le temps de se retourner, transporté par une colère injustifiée qui grandissait en lui depuis longtemps, et il crut reconnaître une masse de cheveux blonds qui s’éloignait au milieu de la foule, se frayant tant bien que mal un chemin parmi les danseurs nerveux, en direction du bar dans une autre salle. C’était le garçon qui s’était fait agresser avec eux.

Il voulut immédiatement le suivre et fut retenu par la force surprenante du bras de Marie qui le tira à elle. Elle lui sourit, fit semblant de ne pas voir qu’il avait été distrait et paraissait ne pas avoir remarqué le garçon blond. Sacha essaya de se soustraire à son étreinte tout en suivant le garçon blond du regard. Marie finit par le lâcher, comme un abandon, tandis qu’il se débattait, tant et si bien qu’il faillit être projeté à terre par sa propre force. Elle s’éloigna, ostensiblement en colère, percutant les autres danseurs. Parce qu’il avait perdu le garçon blond du regard, il la suivit.

Elle l’emmena près de la sortie de la discothèque devant la porte entrouverte par laquelle filtrait la chaleur de la nuit si semblable à l’air étouffant de la journée, récupérant au passage ses affaires. Se retournant enfin, le fixant droit dans les yeux, révélant le mascara noir qui commençait à s’écouler des siens, elle dit « Je rentre. Je te laisse le choix. Ou tu viens avec moi là tout de suite. Ou bien tu me laisse sur le pas de cette porte, parce que pour je ne sais quelle raison tu n’as pas envie de me voir ce soir, de la même façon que tu n’avais pas envie d’être avec moi tout à l’heure, de me réconforter et de partager ma peur, et alors  on se reverra quand tu te seras reposé, quand tu auras quitté ce tain blafard, et ce sera à moi de décider où, quand et si j’en ai envie ». Sacha scruta d’un œil la piste de danse en contrebas dans l’espoir d’y apercevoir la garçon blond. Il était sans doute toujours au bar. Il voulait lui parler mais il ne voulait pas que Marie l’aperçoive. Alors il la laissa partir. Ce serait trop facile de réduire la décision et ses conséquences à cela et pourtant, à l’instant crucial, celui durant lequel il aurait pu, ou du, prendre sa main, lui demander de rester, lui proposer de changer, s’excuser, partir avec elle, la seule chose qu’il lui vint en tête c’était de la honte. Honte de n’avoir rien pu faire bien plus tôt, pour lui, pour elle, pour le garçon blond et même la fille à la moto. Il ne pourrait jamais se pardonner à lui-même et ne pouvait donc accepter que Marie lui pardonne. Il se rappela son reflet dans le rétroviseur. Avait-il encore ce même visage ? Il décida que oui et il laissa partir Marie, dans un lent soupir rendu inaudible par la musique de la boite de nuit. Peut-être que ce soupir aurait pu faire la différence. Qu’elle aurait pu tout comprendre. Mais elle partit sans se retourner. "

4 janvier 2007

Notre (dernière) nuit ardente Partie 4

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 3 page 4:

"The Cure : The Holy Hour

La boite de nuit diffusait une sorte de rock accéléré au moins 2 fois. Sacha avait rejoint Marie il y avait une heure déjà, vers 2 heures du matin. C’était une chose étrange à faire. Etre dans une boite de nuit quelques heures seulement après avoir cru mourir. Marie avait été auscultée par les ambulanciers puis laissée sur place tandis que le garçon blond était transporté aux urgences. Il irait bien. Elle resta un long moment à regarder les pompiers désincarcérer le conducteur de la voiture. Au bout de quelques minutes, elle était passée du centre de l’attention à la simple spectatrice. Un pompier lui demanda même de partir, de les laisser travailler. Elle resta cependant assez longtemps pour voir le corps calciné et meurtri du conducteur être déposé sur une civière. Il était encore en vie. Elle ne trouva rien d’autre à faire que de rejoindre les amis avec qui elle aurait du passer la soirée. Elle était seule. Sacha avait disparu. Il poursuivait la fille à la moto, il errait à toute allure dans une grande avenue puis pensant reconnaître le feu arrière de la moto, il s’engageait dans une rue perpendiculaire qui n’était autre qu’un cul de sac au fond duquel un homme assez âgé et bedonnant pour ne pas être confondu avec la fille à la moto descendait d’une Harley Davidson. En marche arrière, il s’était extrait à tout allure de l’impasse juste à temps pour voir la fille à la moto traverser un pond au-dessus de lui. Il descendit de la voiture, la laissa, portière ouverte, au milieu de la route et entreprit de monter l’escalier qui permettait de rejoindre le haut du pont. Arrivé en haut, il ne pouvait déjà plus apercevoir la moto et pourtant continua à courir, de toutes ses forces, effectuant des bonds à chaque foulée, se sentant plus léger que jamais il n’avait été, ressentant comme une intense sensation d’accomplissement, presque persuadé de pouvoir ainsi rattraper la fille à la moto. Il crut entendre le bruit d’un moteur, mais peut-être était-ce ses oreilles qui bourdonnaient sous l’effort. Très rapidement, ses forces déclinèrent. Il s’arrêta sur le bas côté, aussi vidé qu’il s’était senti fort quelques secondes auparavant. Etrangement, il repris son souffle sans difficulté. Ses jambes était fraîches et insensibles. Il ne ressentait aucun point à l’estomac. Toute la douleur, toute la tension subit lors de ce long sprint, était venue s’accumuler dans son esprit. Il se sentit vieillir d’un coup. Il avait acquis une lucidité sereine, mais effrayante. Il ne voulait plus rentrer chez lui. Il ne voulait plus rentrer chez Marie. Il ne voulait même plus la voir, il ne voulait plus l’entendre, il ne voulait plus sentir qu’elle l’aimait. Il voulait du changement et se sentir exister. Il voulait découvrir des nouvelles situations et se sentir les maîtriser. Il voulait enfin gagner, il voulait être regardé comme un inconnu, il voulait surprendre et s’extirper d’un monde où tout de lui était attendu, connu d’avance, et où aucun de ses faits et gestes n’avait plus d’importance, car répété encore et encore comme une boucle mathématique sans fin. Il devait se débarrasser des restes d’une vie morte qu’il croyait encore vivre comme les blessés croient sentir leurs membres amputés. Il ne pouvait plus réfléchir – il ne voulait plus réfléchir. Il avait toutes les solutions en lui, il lui suffisait de vivre. Tout en faisant tourner ses idées dans sa tête, il avait rejoint sa voiture, presque irréelle, au milieu de la route déserte, ouverte, les phares allumées, le moteur tournant, au milieu de la route, intacte, préservée, prête à reprendre son chemin. Dans l’habitacle, il réorienta le rétroviseur et s’y observa : son visage reflétait une expression sérieuse, décidée. Même quand il essayait de sourire, cette expression dominait. Elle était calme, maîtrisée au milieu de la tempête de ses sentiments. Elle était fixée à lui, malgré les grimaces qu’il se faisait, malgré le rose qui illuminait ses joues après le petit sprint improvisé. Il se trouva de nombreux points communs avec sa voiture abandonnée.

En se remémorant le circuit routier de la ville, il déduisit que la fille à moto allait prendre, en suivant la route après le pont, la nouvelle autoroute souterraine. Il en était certain, ce pont, en redescendant, amenait, un kilomètre plus loin, à l’entrée du tunnel. Il n’aurait eu qu’à foncer à travers les petites rues de la ville jusqu’à l’endroit du centre où le tunnel se terminait en attendant que les travaux ne soient achevés, et coincer la fille à la moto quand elle en sortirait. Ça, ou il l’aurait suivit jusque chez elle."

13 novembre 2006

Notre (dernière) nuit ardente Partie 3

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 3 page 3:

" The Field Mice - Sensitive

Le garçon blond continua à avancer, tentant difficilement de trouver de l’aide dans la direction de Sacha et Marie. Le motard ne braquait plus d’arme sur eux et peut-être que Sacha aurait pu tenter quelque chose. Se jeter sur lui, lui prendre son arme ou tout simplement prendre la fuite. Lucide, il se contenta d’attraper le bras du garçon blond, d’essayer de le soulever pour qu’il se relève, en vain. Le garçon blond restait au sol, sonné, les jambes et les bras contorsionnés par la douleur, seul son visage ressortant de l’amas ensanglanté de son corps, perdant ses yeux vides en direction de Sacha qui observa longuement ce visage, les yeux bleus pales de cet étranger exprimant une terreur sans fin, la couleur de son sang répandu qui semblait bien trop irréelle, les bulles d’hémoglobine qui se détachaient de ses narines à chacune de ses expirations douloureuses. Soudain interrompu dans sa contemplation, il entendit une voix étouffée qui se faisait violence, une voix aiguë qu’on essayait de camoufler et qui s’adressait à lui depuis le distributeur automatique, à travers le casque du motard, et qui lui demandait son code bancaire.

Le motard balançait le casque, et ce qui devait être sa tête à l’intérieur, de haut en bas en guise d’exaspération. Sacha lui hurla les quatre chiffres, la voix tremblante d’émotion, l’esprit saisi d’un vertige, le corps tout entier bouleversé par cet instant où il prononçait à haute voix cette combinaison pourtant si simple, qui le définissait peut-être mieux que n’importe quelle description, emporté qu’il était par la solennité de ce moment comme s’il prononçait son véritable nom pour la première fois : " 1607 ". Il regarda Marie et ressentit le même mélange de honte et d’espoir que la première fois où il s’était montré nu devant elle.

Le motard, visiblement tendu, se pencha contre le clavier pour taper les chiffres. A force d’excitation, ce qui ressemblait à un liquide brunâtre s’échappa de l’arrière de son casque, à une vitesse très rapide et arrêta soudain son développement à la hauteur de ses fesses. Le vent souffla à nouveau et souleva le liquide brunâtre, le séparant en des dizaines et des dizaines de filaments d’à peine un millimètre. C’étaient des cheveux. Des cheveux longs et soyeux qui venaient de croiser le regard de Sacha.

Le compte de Sacha fut vidé très vite mais dans cet intervalle, il comprit que ces cheveux bien trop longs, bien trop soyeux, étaient ceux d’une femme. Et quand le motard se retourna, ouvrit sa veste pour y glisser les billets, il put discerner la forme de seins sous l’épaisseur de cuir. Il ne savait que faire. C’était bien une fille. Il se mit à remarquer des détails qui lui avait échappé, toutes les parties de son anatomie qui apparaissaient, sa main droite, alors qu’elle avait enlevé son gant pour pianoter sur le clavier du distributeur automatique, un morceau de son cou, entre le bas de son casque et le haut de son t-shirt blanc qui se dévoilait sous la veste en cuir entrouverte. Il pourrait peut-être prendre l’avantage sur elle. Et soudain il se surprit à ressentir un sentiment déplacé : il avait honte et peur que Marie l’ait vu la regarder avec plus d’instance qu’il n’aurait du dans cette situation. Puis il remarqua pour lui-même qu’il l’avait regardée avec plus d’insistance qu’il n’aurait du dans n’importe quelle situation.

C’est à cet instant précis qu’une voiture décapotable lancée à vive allure fit demi-tour après les avoir dépassés en trombe. La voiture fonça dans leur direction, le conducteur comme fou au volant, hurlant une phrase que Sacha ne comprit pas immédiatement, la fille en motard se jetant sur le côté, juste avant que la voiture ne percute, à l’endroit exact où elle se tenait, le distributeur automatique, s’encastrant dans la machine du capot jusqu’à la moitié de l’habitacle, lançant des gerbes incontrôlées de sang en une fraction de seconde. Ce n’est qu’une fois que la voiture recula légèrement sous l’impact, manquant de l’écraser, qu’il comprit ce qu’avait dit le conducteur. " Bénarès, c’est mon tour de me venger ".

La fille en motard ne perdit pas de temps. Elle avait couru dès qu’elle avait aperçu la voiture lui foncer dessus et enfourchait déjà sa moto rouge, à une dizaine de mètres de ce qui restait du distributeur automatique, non loin de la voiture de Sacha. Elle démarra d’un coup sec de son pied sur le starter et partit sans même se retourner sur l’endroit de sa mort potentielle. Ses cheveux s’animèrent sous l’effet du vent.

De la fumée avait désormais remplacé tout l’air qui avait pu circuler entre les otages. Oubliant tout de Marie, du garçon blond, du bruit atroce que produisaient les restes du moteur de la voiture, compactés, ronronnant comme un animal hurle, au milieu des décharges électriques qu’envoyait le distributeur automatique éventré, Sacha courut vers sa voiture. Marie essaya de le retenir, ne comprenant pas pourquoi il partait, où il allait. Il arracha sa main de son bras. Il ne répondit pas à ses paroles, devenant bientôt des cris, fondant vite en supplices. Il la laissa seule et ne se retourna pas. Seule avec un jeune homme en sang et une voiture qui avait fusionnée avec son occupant. Elle tira d’abord le garçon blond, apparemment inconscient, jusqu’à ce qu’il soit hors de portée des décharges électriques, puis, extenuée par l’effort physique que cela avait demandé et par l’amas de fumées qu’elle avait avalé, s’écroula à ses côtés, contre la première marche d’un escalier. C’est à ce moment-là, peut-être un peu plus tard, quand elle commençait à se sentir mieux, quelques minutes après l’accident, tout au plus, que quelque chose s’ajouta aux bruits stridents que produisaient les restes de la voiture. Ce son devint de plus en plus fréquent, il ressortait particulièrement lorsque la voiture, pour reprendre son souffle sans doute, arrêtait d’hurler. L’ouïe de Marie avait été sévèrement attaquée par le bruit de l’accident. Elle dut se lever sur une intuition, déplier ses jambes endolories par un traumatisme invisible et s’approcher du véhicule, prudemment, pour éviter les décharges. C’était une voix, provenant de la fumée, provenant de l’accident, en plein dans l’épicentre, en plein dans la voiture. Elle prit tardivement conscience qu’elle devait appeler une ambulance.

Sacha démarra en trombe dans l’espoir de suivre la moto qui disparaissait déjà au loin dans l’avenue. Il avait raison depuis le début : il avait oublié de fermer sa portière à clef. Dans sa tête, il commençait seulement à entendre Marie l’appeler. " Où tu vas ? Qu’est-ce que tu fais ? Reste ! Reste ! ". Trop tard, dans son champs de vision, il n’avait plus que cette mèche de cheveux, filant au loin, portée par le vent. Il violenta l’accélérateur. "

9 novembre 2006

Notre (dernière) nuit ardente Partie 2

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 3 page 2:

"Slowdive - Spanish Air

Sortant sa carte bleue de son étui, il douta d’avoir fermé à clef sa voiture. Devant lui, un jeune homme aux cheveux blonds longs jusqu’aux épaules occupait le seul distributeur. Sacha regardait sa voiture, à quelques dizaines de mètres de lui seulement, de l’autre côté de la rue, et la simple pensée qu’elle pouvait être à la merci des voleurs commençait seconde après seconde, à l’obséder plus que de raison. Il se retourna de nouveau en direction du garçon blond et fut surpris par le visage de Marie, juste en face de lui, à quelques centimètres à peine. Elle l’embrassa avant même qu’il n’ait pu dire un mot. Un baiser de salutation, un baiser pour se dire bonjour, comme ça, sans vraiment y penser, des choses que ne pourraient comprendre un célibataire. A son regard, elle sut qu’elle devait s’expliquer : " J’étais en retard. D’ailleurs on dirait que je n’étais pas la seule – elle lui fit un clin d’œil- et je t’ai vu sur le trottoir. Je suis garée juste là, un peu plus haut dans la rue ". Il comprit qu’il ne verrait pas le masque sur son visage. Pas ce soir. D’une certain façon, très étrange, il fut presque déçu et décida de l’embrasser à nouveau, pour oublier, mettant ses bras autour d’elle, la serrant contre lui, échangeant son souffle avec le sien, caressant le bout de son nez avec son propre nez.

Et ils se sentirent observés. C’est un sentiment que l’on ressent très souvent, à deux, quand on s’embrasse. Justifié ou non, c’est typique lors des baisers passionnés en public, ceux pour lesquels on ferme les yeux, c’est même naturel. Au bout de moment, Sacha et Marie s’y étaient habitués, comme tous le monde. Mais il leur arrivait, à l’un comme à l’autre, d’ouvrir les yeux juste quelques instants, pour vérifier. Même s’il n’y a rien à faire que de les fermer à nouveau et oublier qu’on est observé. Les curieux peuvent être n’importe qui : un autre couple avec qui l’on partage de fait un instant de complicité, une vieille personne à qui cela rappelle des bons souvenirs, un jeune homme silencieux qui, bien qu’il fasse de son mieux pour ne pas être vu, à l’air d’un pervers.

Sacha se décida à regarder, juste quelques instants, et il le vit. Puis, il referma les yeux et continua comme si de rien était. Il ne trouva rien à faire. A peine ses yeux clos, il fut pris d’une peur terrible. Et le baiser continua et continua encore plusieurs longues secondes. Il avait du s’immobiliser, se raidir, arrêter de réagir à la langue de Marie car elle se rendit compte de quelque chose et sépara ses lèvres des siennes. Alors, comme d’un rêve auquel on est arraché, il ouvrit les paupières à contrecœur et voulut protéger Marie. Il aurait voulu qu’elle ne voit pas ce qu’il avait vu. Il la poussa derrière lui dans un geste de protection qui l’alerta, et c’était trop tard. Elle l’avait vu et sursauta. Elle n’hurla pas. C’est ce qu’il avait pu craindre le plus, durant ces quelques secondes de panique pure, il n’aurait sans doute pas pu s’empêcher d’hurler lui aussi. Elle sursauta, et il se dressa devant elle. Et ils attendirent que quelque chose se passe.

Un homme en combinaison de moto, bottes, veste en cuir et casque sur la tête, les visait avec un pistolet, deux mètres en face d’eux. Et ce fut la dernière fois que Marie et Sacha eurent conscience de la marche du temps. Peut-être la première aussi. Ils eurent l’impression de tomber dans un gouffre au ralenti. Ils se rappelaient qu’ils respiraient parce que leur souffle fort et oppressé était la seule chose qu’ils entendaient. Ils se rappelaient que du sang coulait dans leur veine parce que leur corps tout entier s’était mis à battre et à trembler au rythme de leur cœur. Ils se rappelaient que la terre vivait autour d’eux parce que le vent venait soulever silencieusement leurs cheveux. Sous l’effet de la surprise, leurs corps s’étaient séparés et n’étaient plus reliés que part une seule main que l’un et l’autre serrait bien plus fort que d’habitude, bien plus fort qu’à la normale. Rien ne se passait et rien ne se passa encore pendant au moins dix secondes. C’était long, dans cette situation. Le doigt du motard était presque tremblant sur la gâchette, ils pouvaient le voir même de là où ils étaient.

Et soudain appliquant un doigt ganté de son autre main contre son casque, à l’endroit où devait se trouver sa bouche, il esquissa un signe pour leur ordonner de se taire, levant le bras très lentement, seulement trahi par le bruit du frottement de sa veste en cuir, unique signe de vie de cette créature sombre, noire de la tête au pied, dont rien n’échappait, pas un souffle, pas un battement de cœur. Comme contre un bloc d’acier, le vent qui soufflait se contentait de s’écraser, ne faisant rien se mouvoir de ce corps brut.

Ils n’avaient même pas chercher à comprendre le pourquoi de cette attaque. Quand le motard commença à bouger, Sacha se souvint du garçon blond au distributeur, et il comprit tout. C’était une bête attaque pour de l’argent. Abasourdi, comme se réveillant d’un long sommeil, ses muscles picotant, sa peau frissonnant, il se rendit à peine compte que le motard, passant à sa hauteur, lui avait arraché la carte bancaire qu’il tenait à la vue de tous dans sa main gauche et s’éloignant de lui, s’approchait du garçon blond, toujours occupé par sa transaction interminable, inconscient de ce qui se passait, sorte de film d’horreur réaliste, sans aucune autre bande son que le frottement sourd de la veste en cuir du motard. Avec la crosse du pistolet, le motard le frappa par surprise dans la nuque, d’un coup latéral qui l’envoya s’écrouler sur sa droite, s’affalant presque sur lui-même, ses jambes le lâchant avant tous le reste, sous l’effet de la douleur et de la surprise sans doute. Le silence était brisé, un drôle de bruit d’os retentit avec le coup, et le garçon blond avait hurlé. Il était désormais étalé, tressautant, juste devant le distributeur de billet. Le motard, agacé, voulut le pousser, mais il ne réussit qu’à le faire s’écrouler un peu plus. Après s’être retourné quelques instants pour tenir en joue Sacha et Marie, triste façon de leur rappeler leur impuissance, il se concentra sur le garçon blond et, botté de cuir, le roua de coup de pied jusqu’à ce qu’il use de ses dernières forces, de ses derniers morceaux de conscience, pour ramper à quelques centimètres de là, en direction de Marie et Sacha. Satisfait de la place qui lui était laissée libre, le motard arrêta ses coups et se concentra sur le distributeur."

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27 octobre 2006

Lawrance Welk meets Velvet Underground - Sister Ray

Comment être très drôle avec très peu de chose : un poil de talent, une bonne idée, de la chance, beaucoup de chance, et surtout, une extraordinaire coincidence de gestes, de rythmes, et d'antagonismes.

26 octobre 2006

Notre (dernière) nuit ardente Partie 1

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 3 page 1:

"Radiohead - Hunting Bears

Sacha devait rejoindre Marie et leurs amis communs dans un bar, peu avant 23 heures. Malgré son retard déjà bien consommé, il s’arrêta devant un distributeur automatique de billets. Sans doute Marie était-elle déjà dans le bar, souriante et heureuse, seulement trahie par les tapotements irréguliers de son pied contre le socle en métal de la table à laquelle elle était assise. A son arrivée, elle n’arrêterait pas de sourire, fondrait dans ses bras et se laisserait lentement glisser contre son torse pour enfin sentir ses baisers couvrir ses cheveux. Elle ne dirait rien à propos de son retard. Pas tout de suite. Plus tard dans la soirée, au moment le plus imprévu, elle se retournerait sèchement vers lui, et quand ses cheveux glisseraient à travers l’air pour laisser apparaître son visage si fragile, il verrait une étincelle dans ses yeux, sans qu’elle ne dise rien d’autre, sans qu’elle ne se plaigne au sujet de quoi que ce soit. Cette simple petite étincelle disparaîtrait au bout de quelques secondes, juste avant qu’une autre personne ne la voit et Sacha serait le seul à s’en rappeler, le seul à avoir été frappé, le seul à en chercher la signification, investiguant en vain le sourire renouvelé de Marie, chacune de ses paroles, de ses faits et gestes, sa façon de fumer les cigarettes, interprétant le moindre nuage de fumée exhalé par ses lèvres lisses et douces comme une mise à mort. Las, il arrêterait et n’aurait plus qu’à faire disparaître ce souvenir qui encore, au cours de la soirée, se superposerait par le biais de son imagination au visage muet de Marie, le temps stoppé autour d’elle. Les heures passant, il oublierait son tourment, il se balancerait dans les bras de Marie au son de la musique, l’embrassant, respirant l’air autour d’elle, cet air qui partagerait tant de choses avec l’odeur de sa peau, il lui sourirait et à ce moment-là, dans la solitude d’une étreinte, ce masque reviendrait, l’espace d’un seul instant, sur le visage de Marie. Il sentirait ses membres à lui faiblir, incapables de soutenir son corps accablé encore un peu plus et dans un ultime geste, il essaierait de la repousser juste au moment où, de ses bras soudain plein de forces, Marie le retiendrait et le serrerait contre elle, mettant fin à tout contact visuel, mettant fin à tout grief, le pardonnant, simplement. Le pardonner de rien, le pardonner pour un rien. C’était aussi simple."

20 octobre 2006

The Cure - Charlotte Sometimes

ça pourrait être du Cocteau ou du Carpenter. ça permet de voir à quoi ressemble vraiment Robert Smith.

Et avant tout, gardez à l'esprit qu'il ne faut jamais, jamais, appréhender ce genre de musique comme de la musique "gothique". Ce n'est pas de la musique "gothique". C'est simplement de la musique. Il n'y rien de gothique, parce que Cocteau n'est pas gothique. Le gothique n'a fait que vulgariser tout ça, comme le porno vulgarise le sexe.

Pour moi, c'est l'histoire d'une jeune fille qui essaie d'échapper à ces pulsions (envers les garçons) et s'imagine vivre dans un siècle passé, pensant que si elle avait vécu à cette époque, elle n'aurait pas eu ces pulsions. A la fin, elle se rend compte de son erreur. Rien ne peut chasser notre nature, même pas les siècles.
13 octobre 2006

If You Rescue Me (Velvet Undergroudn vs Michel Gondry)

Même si la vidéo parait bizarre, elle permet de voir "If You Rescue Me", reprise d'After Hours du Velvet, extrait de la Science des Rêves.

Et oui, cette représentante locale de la SPA a l'air un peu trop sexy pour être vrai. Mais si elle est sincère, alors elle est touchante.

Quoi qu'il arrive, c'est encore une de ces pépites que l'on ne trouve que sur Youtube.

De la poésie pure parce que pathétique, touchant, intime. Quelque part, c'est humain, humain comme les humains devraient l'être.

12 octobre 2006

Quand serons-nous des fantômes ? Partie 4 (fin)

"Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 2 page 4 (fin):

Devendra Banhart - An Island  :

-Très bien la serveuse est un fantôme, c’est sûr, avoua Sacha. Ce qui nous ramène au même point, on a pas avancé d’un centimètre : depuis quand est-elle un fantôme ?

-ça, elle seule le sait. Son entourage proche aussi, peut-être, s’ils la connaissent vraiment bien.

-Suffit de lui demander.

-Fais-le toi lui répondit-elle du tac au tac.

-C’est ton truc ça, c’est à toi de lui demander.

-Non. J’ai pas envie de lui demander. C’est très personnel. Pourquoi est-ce que je voudrais le savoir, s’indigna-t-elle.

-Parce que c’est toi qui a ébauché toute cette théorie.

-Ce n’est pas qu’une théorie. Et ça m’effraierai de savoir ce genre de chose. Ça m’effraie déjà bien assez de comprendre la réalité des choses. Je ne veux pas en savoir trop. Trop savoir, trop comprendre, ça pourrait me transformer en fantôme.

-Tu me le dira à moi, prononça-t-il tout doucement ?

-Quoi ?

-Le jour où tu sera un fantôme, tu me le dira ? Tu me préviendra ? Tu me dira ce qui s’est passé, tu m’expliquera pourquoi et comment ?Tu me fais assez confiance pour me dire ce genre de choses, tu m’aimes assez pour me révéler ça au moment où ça arrivera ?

-Crois moi, tu deviendra un fantôme bien avant moi, se défendit Marie !

-Je m’en fous de ce que je serai, on s’en fout de moi, te cache pas derrière moi, réponds moi, dis moi la vérité …

-Ça n’arrivera pas. Je ne deviendrais pas un fantôme. Ou alors je me tuerai juste à ce moment-là, juste au moment où je l’aurais compris. Mais je ne serais jamais un fantôme, je serai toujours une adolescente et si un jour je ne le suis plus, j’attacherai cette adolescente que j’étais, je l’attacherai à moi, je la garderai contre mon épaule, de force s’il le faut, elle sera toujours là, elle pourra me parler à l’oreille, me donner de mauvais conseil, me forcer à faire des idioties. Si je dois finir comme une vieille folle, alors je finirai comme une vieille folle. Je ne serai jamais un fantôme.

-Ce jeu n’est plus drôle. Je n’ai plus envie de ça, se plaignit Sacha

-Ce n’est pas un jeu, avoua Marie, presque résignée… "

Juste à ce moment-là, l’adolescente en rouge apparut en bas de l’immeuble, elle avança sur le trottoir, comme si elle marchait normalement, comme si elle s’éloignait vraiment du café, et puis parvenu à une distance raisonnable, elle se retourna d’un coup et fixa la baie vitrée. Pour confirmer ses doutes, elles se trouva nez à nez, à quelques dizaines de mètres de hauteur, avec Sacha et Marie qui l’observaient, une lueur dans leurs regards simplement plus triste que tout à l’heure. Elle les fixa à son tour pendant un bon moment, espérant qu’ils craquent avant elle et voyant que cela n’arriverait pas, leur tira la lange de toute ses forces, qui, depuis la baie vitrée, ressemblait à un minuscule carré tout rose. Sûr qu’elle n’était pas un fantôme. "

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