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It May All End Tomorrow (comme son titre l'indique)
14 septembre 2006

Il voulait une révolution, etc. Partie 4

Extrait des répétitions de Nos Nuits Ardentes (roman), Chapitre 1 page 4 :

"Coco Rosie : Candyland

En tant que seul petit indien inscrit en faculté, je devins malgré tout assez connu. Les professeurs étaient fiers de ma réussite et n’hésitaient pas à en parler en amphithéâtre et entre eux. Bientôt, à cause de la difficulté à prononcé mon nom, je devins " Ben ", diminutif de " Raben ". Cela allait évolué à l’obtention de mon diplôme en " Docteur Ben ". J’avais mon troisième nom, mon nouveau baptême pour une nouvelle vie. La première fois qu’on m’appela vraiment comme cela, autrement que pour rire, me flatter, ou m’énerver, j’étais dans une salle d’opération et la plaie d’un patient venait de gicler du sang sur mon visage. Le médecin titulaire me demanda " Docteur Ben, est-ce que tout va bien ? " et alors je réalisais que c’était vraiment devenu mon nom. Du sang avait éclaboussé jusque dans ma bouche et ce goût, salé, que je voulais expulser hors de ma bouche, qui me révulsait et me dégoûtait, qui charriait sans doute des poches entières de bactéries et de maladies, me rappela le Gange. Alors je compris que le " Ben " de " Docteur Ben " était pour " Bénarès ". J’avalais le sang et rassurait mon médecin titulaire.

Après quelques hésitations, je m’orientais vers la psychiatrie. C’était évidemment la plus grosse erreur de ma vie, mais bien que cela me passionnait, je ne pensais pas être assez doué pour la chirurgie. Alors j’ai décidé d’aller voir au fond de la tête des gens, juste comme ça, pour vérifier un truc. Peut-être que je pensais trouver quelque chose. Mais c’était vide, terriblement et désespérément vide. Tout cela me rappelait la chambre 27 de l’hôpital de Bénarès, ces patients déjà morts, si éloignés de moi, comme privé de tout libre arbitre. Je me mariais avec une de mes patientes. Elle était gentille, mignonne, et c’était la première personne a m’avoir jamais dit qu’elle m’aimait. C’était suffisant pour moi. J’avais 36 ans. Déjà. Au cours de notre mariage, elle me persuada, pour des raisons financières, d’accepter de prendre en thérapie le chien d’une certaine patiente richissime. Ça nous paya une maison de vacance. Sans que je n’ai le temps de m’en rendre compte, toutes les amies de cette patiente m’apportèrent leurs animaux. A force de m’entendre refuser de mettre un pied dans notre nouvelle maison de vacances – pour un tas de raisons : parce que je n’aimais pas le soleil, parce que je n’aimais pas la façon dont j’avais payé la maison, parce que j’avais terriblement peur d’être seul avec elle 24 heures sur 24 et me rendre compte de l’erreur que j’avais faites – ma femme me quitta. Pris par la procédure de divorce et ses frais, j’acceptais tous les patients possibles. En quelques mois, j’étais devenu le premier psychanalyste pour animaux de Pleyel. La pension alimentaire accordée à ma femme était incroyablement généreuse, j’ai continué à voir les animaux jusqu’à ce que plus aucun être humain ne passe la porte de mon cabinet pour autre chose que m’apporter une bête à poil, plume ou écaille. Qu’est-ce que je leur faisais durant la thérapie ? Rien du tout. Je restais simplement assis à penser aux erreurs que j’avais faites et à ce que j’allais pouvoir inventer pour réconforter et occuper les propriétaires de l’animal. Un matin, je me suis réveillé et tout à mon horreur, j’avais 45 ans. J’étais un imbécile, divorcé d’une femme que je n’avais jamais aimé et la risée de ma profession. Un type normal en somme. Tout ce que j’ai toujours voulu éviter. "

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